En matière de prévention des risques professionnels, certaines entreprises n’ont pas le droit à l’erreur. Lorsqu’un salarié est exposé à des dangers spécifiques, le Code du travail impose un suivi individuel renforcé (SIR) de son état de santé. Trop souvent mal appliqué, ce dispositif est pourtant lourd de conséquences : une erreur de procédure, un oubli de visite médicale ou un avis d’aptitude ignoré peuvent suffire à engager la responsabilité de l’employeur. Voici ce qu’il faut savoir à ce sujet.
Salariés concernés par le suivi individuel renforcé
Le SIR concerne tout salarié affecté à un poste l’exposant à un risque reconnu comme dangereux pour sa santé, sa sécurité, ou celle d’autrui. Il s’applique aussi bien aux salariés du privé qu’aux agents contractuels des EPIC et EPA relevant du droit privé. Sont notamment concernés :
- les travailleurs manipulant de l’amiante ou du plomb ;
- les salariés exposés à des agents CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques) ;
- ceux soumis aux rayonnements ionisants ;
- les employés exposés aux agents biologiques de groupe 3 ou 4 ;
- les plongeurs en milieu hyperbare ;
- les personnes intervenant en hauteur sur échafaudages.
Mais ce n’est pas tout. Le SIR s’applique également à certains postes spécifiques comme :
- les jeunes de moins de 18 ans affectés à des travaux normalement interdits, via une dérogation légale ;
- les salariés autorisés à conduire des équipements de levage ;
- ceux habilités à intervenir sur des installations électriques sous tension.
Enfin, chaque employeur peut compléter cette liste avec des postes qu’il juge à risque, à condition d’obtenir l’avis du médecin du travail et du CSE, de le justifier par écrit, et de tenir cette liste à jour annuellement. Elle doit être transmise au service de prévention et mise à disposition de la DREETS ou de l’Assurance Maladie en cas de contrôle.
Modalités du suivi médical dans le cadre du SIR
Le suivi individuel renforcé comprend obligatoirement :
- une visite médicale d’aptitude avant l’embauche, réalisée exclusivement par le médecin du travail, qui remplace la visite d’information et de prévention (VIP) ;
- une visite intermédiaire réalisée par un professionnel de santé au plus tard deux ans après l’examen d’aptitude ;
- un renouvellement de l’examen médical d’aptitude tous les 4 ans au maximum, sauf si le médecin du travail fixe un délai plus court en fonction de l’état de santé du salarié ou des risques liés au poste.
Lors de chaque visite, le médecin du travail vérifie l’aptitude du salarié au poste, identifie d’éventuelles contre-indications ou pathologies, et peut recommander des adaptations de poste, voire des mutations. À l’issue de la visite, un avis d’aptitude ou d’inaptitude est délivré et versé au dossier médical professionnel du salarié. Si l’employeur refuse d’appliquer les recommandations du médecin, il doit obligatoirement motiver ce refus.
Exemptions : dans quels cas l’examen d’aptitude peut être évité ?
Il est possible, mais strictement encadré, d’être dispensé de l’examen médical d’aptitude initial. L’exemption est possible uniquement si :
- le salarié est affecté à un emploi identique à celui précédemment occupé, avec exposition équivalente aux risques ;
- le médecin du travail détient le dernier avis d’aptitude du salarié ;
- aucun avis d’inaptitude n’a été émis au cours des deux dernières années ;
- aucun aménagement de poste ou du temps de travail n’a été décidé durant cette période.
Fin d’exposition ou fin de carrière : une surveillance post-professionnelle obligatoire
Lorsqu’un salarié cesse d’être exposé à un risque particulier, ou quitte définitivement l’entreprise (départ volontaire ou retraite), une visite médicale doit être organisée :
- dans les meilleurs délais après la fin de l’exposition ;
- ou dans le mois précédant la sortie de l’entreprise, à l’initiative de l’employeur ou du salarié.
Le salarié peut lui-même en faire la demande jusqu’à 6 mois après la fin de l’exposition. Cette visite permet de faire un bilan des expositions aux risques professionnels, sur la base du dossier médical, des déclarations du salarié, et de celles de ses anciens employeurs. Si une surveillance médicale spécifique s’avère nécessaire (en cas d’exposition à des produits chimiques ou agents cancérogènes), celle-ci est mise en place en lien avec le médecin traitant et la sécurité sociale.
Cas particuliers : saisonniers et intérimaires
Les saisonniers et intérimaires bénéficient eux aussi du suivi individuel renforcé lorsqu’ils occupent des postes exposés à des risques. Les modalités d’organisation peuvent varier, mais les obligations médicales de l’employeur demeurent.
Pour les intérimaires, la visite est organisée en lien avec l’entreprise utilisatrice. C’est en général la société d’intérim qui est responsable de la coordination, mais l’obligation de sécurité s’impose à tous les maillons de la chaîne.
Ce que risque l’employeur en cas de manquement au SIR
Le non-respect du suivi individuel renforcé expose l’entreprise à des sanctions sévères :
- responsabilité pénale en cas d’accident ou de pathologie reconnue ;
- condamnation aux prud’hommes pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat ;
- redressement URSSAF en cas de litige sur les déclarations ;
- et potentiellement mise en cause au pénal pour faute inexcusable en cas d’exposition non suivie.
Il ne suffit donc pas d’avoir un contrat de travail conforme ou un registre du personnel à jour. Le suivi médical est un pilier central de la gestion RH dans les postes à risque.
Le suivi individuel renforcé est une obligation incontournable dès qu’un poste expose un salarié à des risques particuliers. Ce dispositif ne se limite pas à cocher une case administrative : il engage l’entreprise sur le plan juridique, humain et financier. Les contrôles sont de plus en plus fréquents, et la moindre négligence peut se transformer en contentieux lourd de conséquences.
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