Le bulletin de paie n’est pas une simple formalité administrative. Il constitue une pièce légale que l’employeur doit impérativement remettre à chaque salarié, quel que soit le montant de la rémunération, le type de contrat ou le statut de l’employé. Sa délivrance et son contenu sont strictement encadrés par le code du travail et par plusieurs arrêtés récents. Un non-respect expose l’employeur à des sanctions civiles et pénales, sans oublier le risque de redressement en cas de contrôle Urssaf.
Transmission et conservation du bulletin de paie
Par défaut, le bulletin doit être remis en format papier au moment du paiement du salaire. L’employeur peut cependant opter pour une transmission dématérialisée, à condition d’en informer clairement le salarié et de garantir à ce dernier un accès simple et permanent à ses bulletins. Le salarié garde le droit de s’opposer à cette dématérialisation à tout moment, en notifiant son refus par un écrit daté (courrier, mail horodaté, recommandé).
L’employeur a également l’obligation d’assurer la confidentialité, l’intégrité et la disponibilité du document. Un double doit être conservé pendant cinq ans, sous format papier ou numérique.
Mentions obligatoires sur le bulletin de paie
L’article R. 3243-1 du code du travail liste précisément les informations qui doivent apparaître. En pratique, l’employeur doit notamment faire figurer :
-
les informations sur l’entreprise (nom, adresse, SIRET, code NAF/APE, convention collective applicable) ;
-
les données relatives au salarié (identité, emploi occupé, classification, durée de travail, heures supplémentaires, forfaits éventuels) ;
-
le détail de la rémunération brute et des accessoires de salaire ;
-
les cotisations et contributions sociales, avec assiette, taux et montants, avant exonérations ;
-
le montant net social, désormais obligatoire et visible pour faciliter l’accès aux droits sociaux ;
-
le net imposable, le montant de la retenue à la source et la somme qui aurait été versée sans prélèvement ;
-
le montant effectivement versé, accompagné de la date de paiement ;
-
les congés payés et indemnités correspondantes lorsque la période de paie couvre un congé annuel ;
-
les exonérations et allègements de cotisations appliqués ;
-
le coût total employeur (brut + cotisations patronales – exonérations) ;
-
une mention incitant le salarié à conserver indéfiniment son bulletin.
À noter que certaines mentions restent facultatives pour les salariés à domicile et assistants maternels employés directement par un particulier.
Mentions interdites sur le bulletin de paie
Aucune référence ne peut être faite au droit de grève ni à l’activité syndicale ou de représentation du salarié. Ces mentions sont strictement prohibées.
Modèles de bulletin de paie applicables
Depuis le 1er juillet 2023, deux modèles coexistent :
-
le modèle issu de l’arrêté du 25 février 2016, modifié par l’arrêté du 31 janvier 2023 ;
-
un modèle provisoire intégrant une ligne spécifique pour le montant net social, dont l’utilisation est prolongée jusqu’au 31 décembre 2026.
En pratique, l’ajout de cette ligne est obligatoire pour tous les bulletins édités à partir de juillet 2023. Les employeurs publics sont également concernés pour leurs agents, quel que soit leur statut (fonctionnaires, contractuels, apprentis).
Règles sur les libellés, l’ordre et le regroupement
L’arrêté impose un ordre strict des rubriques, non modifiable, pour permettre une comparaison claire des bulletins entre employeurs.
Seules des troncatures sont admises pour réduire la longueur de certains libellés.
L’ajout de détails est interdit dans la rubrique « cotisations et contributions sociales obligatoires », mais il reste possible dans les rubriques facultatives ou via des annexes au bulletin.
Les employeurs doivent également regrouper certaines cotisations sectorielles dans les rubriques prévues (« autres charges », « cotisations statutaires », etc.), sans créer de lignes supplémentaires hors modèle.
Exonérations, allègements et réductions
Les exonérations de cotisations sociales doivent apparaître dans une rubrique spécifique. La réglementation prévoit deux options : soit indiquer les taux et assiettes nominaux avant application des exonérations, soit indiquer directement les montants effectifs après déductions. Dans tous les cas, le bulletin doit totaliser le montant des exonérations appliquées.
Parmi les exonérations courantes, on retrouve : la réduction générale des charges patronales (réduction Fillon), l’exonération pour les apprentis, les allègements pour les heures supplémentaires, les exonérations liées aux zones franches urbaines ou de revitalisation rurale, ainsi que les dispositifs LODEOM et JEI. Toute erreur ou omission dans leur affichage peut entraîner un redressement.
Points particuliers à surveiller
-
En cas d’activité partielle, l’écrêtement des cotisations doit toujours être affiché.
-
Les lignes relatives au prélèvement à la source doivent figurer, même si le montant est nul.
-
Le taux personnalisé ou non personnalisé du PAS peut encore être affiché, bien qu’il ne soit plus obligatoire.
-
Les cumuls fiscaux (net imposable, net des heures supplémentaires exonérées, PAS) sont obligatoires mais leur emplacement est libre.
Ce que risque l’employeur en cas d’erreur de bulletin
Pour les employeurs, la vigilance est donc impérative : le bulletin de paie n’est pas seulement un reçu, mais un document juridique dont chaque mention engage la responsabilité.
FAQ sur le bulletin de paie
Combien de temps un employeur doit-il conserver les bulletins de paie ?
L’employeur doit conserver un double pendant cinq ans. Le salarié, lui, doit les garder sans limitation de durée.
Un salarié peut-il refuser la version dématérialisée de son bulletin de paie ?
Oui, il suffit qu’il exprime son refus par écrit avec date certaine. L’employeur doit alors fournir une version papier.
Que risque un employeur en cas d’oubli ou d’erreur sur un bulletin de paie ?
Il s’expose à une contestation prud’homale, à des sanctions administratives et à un redressement Urssaf, avec rappel de charges et majorations.
Le bulletin de paie doit-il mentionner le montant net social ?
Oui, depuis juillet 2023, cette mention est obligatoire pour tous les salariés, y compris dans la fonction publique.
Quel est le coût réel d’un salarié indiqué sur le bulletin ?
Le bulletin doit faire apparaître le total employeur, soit la rémunération brute additionnée des charges patronales, après application des exonérations. C’est ce montant qui reflète le coût global pour l’entreprise.
Peut-on modifier l’ordre des rubriques ou les libellés ?
Non, l’ordre est fixé par arrêté et doit être respecté. Seuls des raccourcissements de libellés sont autorisés, mais sans changer le sens.