Le rapport d’étonnement est un levier d’intégration et d’amélioration continue que trop d’organisations, publiques comme privées, laissent dormir. Pourtant, ce dispositif simple, peu coûteux et redoutablement efficace, pourrait transformer l’onboarding en véritable diagnostic terrain. Encore faut-il savoir quand, comment et pourquoi l’utiliser. Voici ce que les managers et DRH doivent en comprendre.
Qu’est-ce qu’un rapport d’étonnement ?
Le rapport d’étonnement est un retour d’expérience demandé à un collaborateur nouvellement arrivé. Son rôle ? Formaliser ses ressentis, remarques et observations durant les premières semaines de sa prise de poste. Le but n’est pas la critique gratuite, mais un retour authentique sur ce qui fonctionne… ou pas. En clair : profiter de l’œil neuf avant qu’il ne s’estompe.
Issu d’une tradition japonaise où les cadres rédigeaient des comptes-rendus après des missions à l’étranger, le concept a essaimé dans les grandes entreprises occidentales avant de se diffuser, plus timidement, dans la sphère publique. Aujourd’hui encore, la majorité des structures n’en tirent pas pleinement parti, faute de méthode ou par frilosité managériale.
Pourquoi demander un rapport d’étonnement à un nouveau collaborateur ?
L’intérêt du rapport d’étonnement est double :
- Pour le collaborateur, c’est une manière active de s’intégrer, de formuler ses besoins en formation, d’identifier les dysfonctionnements ou de proposer des idées dès son arrivée. Cela nourrit son sentiment d’utilité, sa motivation, et peut accélérer son engagement.
- Pour le manager, c’est une source précieuse de diagnostic et un signal fort envoyé à l’équipe : on écoute, on questionne, on améliore. Le rapport peut mettre en lumière des dysfonctionnements passés sous silence depuis des années, ou des maladresses dans l’accueil et la transmission d’informations. Il permet aussi de vérifier si les missions sont bien comprises et si le collectif joue réellement son rôle.
Ne pas exploiter cette fenêtre d’opportunité, c’est perdre un levier d’intelligence organisationnelle à faible coût.
Qui peut rédiger un rapport d’étonnement ?
Ce dispositif s’adresse à toute personne nouvellement intégrée : agent en mobilité interne, contractuel sur poste permanent, stagiaire ou apprenti (dès lors que leur présence excède 4 mois), cadre en prise de fonction, manager recruté ou muté… L’important, c’est que le regard reste neuf. Passé trois mois, l’objectivité s’effrite, l’individu s’habitue, et les anomalies deviennent la norme.
À qui transmettre ce rapport ?
En général, il est destiné au supérieur hiérarchique direct (le N+1), et peut parfois remonter au N+2 selon les enjeux ou les observations. Dans les structures matures, un échange est organisé en présence d’un référent RH. Dans d’autres, il peut se limiter à un entretien individuel. Ce qui compte, c’est que ce soit lu, entendu, discuté — et pas enterré dans une boîte mail.
Quels avantages concrets pour le collaborateur ?
- Il devient acteur de son intégration, en identifiant lui-même ses manques (matériel, formation, tutorat…).
- Il clarifie ses objectifs, comprend mieux son environnement de travail, et prend plus rapidement ses marques.
- Il peut proposer des pistes concrètes d’amélioration, et se positionner comme un élément moteur dès les premières semaines.
- Il se sent écouté, donc valorisé — un élément souvent sous-estimé dans la lutte contre le turnover.
Et pour le manager, quels bénéfices réels ?
- Il vérifie si l’équipe joue son rôle d’accueil ou reproduit des réflexes toxiques d’exclusion ou d’indifférence.
- Il identifie les malentendus sur les missions confiées.
- Il repère des irritants, angles morts ou absurdités organisationnelles que personne n’avait pris la peine de signaler.
- Il recueille des idées fraîches, parfois innovantes, et amorce une dynamique de dialogue.
Surtout, il installe une culture du feedback dès l’entrée. Ce n’est pas rien.
Comment rédiger un rapport d’étonnement utile ?
Le rapport doit être construit au fil de l’eau, au quotidien, sur une période de 6 à 10 semaines maximum. Un rapport rédigé en une seule fois, à la fin, perd en objectivité et laisse de côté les ressentis du début, souvent les plus précieux. Il ne doit pas dépasser trois mois, au risque de basculer dans l’analyse biaisée.
Quelques recommandations pour le manager :
- Expliquer dès le premier jour l’intérêt du rapport.
- Créer les conditions d’un échange bienveillant lors de sa restitution.
- Être capable d’entendre des critiques sans se crisper.
- Accompagner les propositions du collaborateur d’actions concrètes ou, au moins, de réponses claires.
Et pour le collaborateur :
- Ne pas se censurer. L’intérêt du rapport réside dans la sincérité, pas dans le politiquement correct.
- Ne viser personne nommément, mais rester factuel, constructif.
- Proposer des solutions, pas seulement signaler des problèmes.
- Accepter que tout retour est subjectif, et que l’important est d’ouvrir un dialogue.
Quelle forme peut prendre le rapport d’étonnement ?
Deux formats sont possibles :
- Écrit, suivi d’un échange en tête-à-tête ou en réunion restreinte.
- Oral, lors d’un entretien de suivi ou d’une réunion d’équipe.
Le format écrit permet une meilleure traçabilité. L’oral, lui, favorise une expression plus libre mais suppose une vraie confiance entre le manager et le collaborateur.
Une trame concrète à suivre
Voici les grandes thématiques à couvrir, de manière personnalisée :
- Phase d’accueil : comment s’est passé le premier jour ? Accès aux outils ? Qualité des locaux ? Disponibilité du matériel ?
- Poste occupé : compréhension des missions, clarté de la fiche de poste, qualité des formations reçues, présence d’un tutorat.
- Conditions de travail : ambiance générale, relations avec les collègues et les managers, communication interne.
- Service ou direction : image de l’entité, cohérence avec les valeurs affichées, perception globale de l’organisation.
- Bilan personnel : éléments appréciés ou décevants, axes d’amélioration, sentiment d’utilité.
- Bonus : une suggestion “magique” si tout était possible.
Et pour les nouveaux managers ?
Un volet complémentaire est recommandé. Il porte sur :
- L’accueil par l’équipe en place.
- La prise de fonction comme encadrant.
- L’accès aux informations stratégiques.
- La qualité de la communication interne.
Un nouveau manager peut aussi rédiger un rapport d’étonnement à double entrée : en tant qu’observateur de l’organisation et en tant qu’encadrant à l’essai.
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