Depuis la généralisation de la complémentaire santé d’entreprise en 2016, la question revient systématiquement dans les TPE et PME : la mutuelle d’entreprise est-elle obligatoire aussi pour les dirigeants ? La réponse dépend du statut juridique du chef d’entreprise. Entre gérants majoritaires, présidents de SAS, travailleurs non-salariés et professions libérales, la frontière entre obligation et faculté d’adhésion est souvent floue.
Cet article fait le point, sans détour, sur les droits, les obligations et les risques liés à la couverture santé et prévoyance des dirigeants d’entreprise.
Les dirigeants sont-ils soumis à l’obligation de mutuelle d’entreprise ?
La mutuelle d’entreprise obligatoire, instaurée par la loi du 14 juin 2013 et généralisée au 1er janvier 2016, vise les salariés relevant du Code du travail. Les dirigeants ne sont donc pas automatiquement concernés. Tout dépend de leur statut social et juridique.
En résumé, deux cas se présentent :
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Les dirigeants assimilés salariés, tels que les présidents de SAS, SASU, ou les gérants minoritaires de SARL, peuvent être inclus dans le régime collectif de l’entreprise.
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Les dirigeants travailleurs non-salariés (TNS), comme les gérants majoritaires de SARL ou les entrepreneurs individuels, ne le sont pas. Ils doivent souscrire une mutuelle individuelle spécifique.
Cette distinction est essentielle car elle détermine non seulement le type de couverture santé, mais aussi les règles fiscales applicables et les obligations de l’entreprise.
Le cas du gérant majoritaire de SARL : une mutuelle facultative mais recommandée
Le gérant majoritaire de SARL (ou d’EURL) est un travailleur non-salarié affilié à la Sécurité sociale des indépendants (SSI). À ce titre, il ne relève pas du régime collectif des salariés et n’a aucune obligation légale d’adhérer à la mutuelle d’entreprise.
En revanche, rien ne lui interdit de souscrire une mutuelle à titre individuel, pour lui et ses ayants droit, via un contrat spécifique dit « Madelin ».
Le contrat Madelin offre des avantages fiscaux intéressants : les cotisations santé, prévoyance et retraite sont déductibles du bénéfice imposable, dans la limite d’un plafond défini par l’article 154 bis du Code général des impôts.
Mais attention : pour bénéficier de cette déduction, le contrat doit respecter les conditions du dispositif Madelin (contrat responsable, versements réguliers, etc.).
Une erreur de paramétrage — par exemple, une mutuelle collective souscrite à tort pour un TNS — peut entraîner un redressement URSSAF et une requalification fiscale du contrat.
Le président de SAS ou SASU : assimilé salarié, donc potentiellement couvert
Le président de SAS ou de SASU est assimilé salarié au regard de la Sécurité sociale. Cela signifie qu’il cotise aux mêmes caisses que les salariés pour la maladie, la retraite et les allocations familiales, mais sans bénéficier du chômage.
Dans ce cadre, il peut parfaitement être inclus dans la mutuelle collective de l’entreprise, dès lors qu’il perçoit une rémunération.
L’adhésion du président à la mutuelle est alors facultative, sauf si les statuts ou l’accord collectif de l’entreprise l’imposent expressément.
Lorsqu’il est affilié, la mutuelle est financée selon les mêmes règles que pour les salariés : au moins 50 % à la charge de l’entreprise et le reste à la charge du dirigeant.
La part patronale bénéficie alors d’un régime fiscal avantageux : exonération de cotisations sociales (hors CSG/CRDS) et déductibilité du résultat imposable de la société, sous réserve que le contrat soit collectif et obligatoire pour la catégorie concernée.
Toutefois, si le président est non rémunéré, il n’est pas éligible à ce dispositif, puisque la mutuelle collective ne peut couvrir que les salariés percevant une rémunération.
Les dirigeants non-salariés : obligation d’assurance personnelle
Les dirigeants non-salariés (artisans, commerçants, professions libérales, micro-entrepreneurs) relèvent du régime des indépendants. Ils ne sont pas concernés par la mutuelle d’entreprise obligatoire.
Ils doivent donc souscrire eux-mêmes leur complémentaire santé et, idéalement, une assurance prévoyance et retraite complémentaire.
En l’absence de mutuelle, les remboursements se limitent aux taux de la Sécurité sociale, souvent très insuffisants pour les frais d’optique, dentaires ou d’hospitalisation.
Un contrat individuel permet aussi d’inclure des garanties spécifiques aux indépendants, comme le maintien de revenu en cas d’arrêt maladie ou une couverture élargie en cas d’invalidité.
Les TNS peuvent également bénéficier de la déduction fiscale Madelin, mais la condition de régularité des versements reste incontournable.
Toute interruption de cotisation entraîne la perte de l’avantage fiscal pour l’année concernée.
Le cas particulier des professions libérales
Les professions libérales (médecins, avocats, consultants, architectes, etc.) ont un régime social à part, géré par des caisses spécifiques (CIPAV, CNAVPL…).
Elles ne sont pas soumises à l’obligation d’une mutuelle d’entreprise, mais doivent souscrire une complémentaire santé individuelle.
Certaines caisses professionnelles imposent d’ailleurs des contrats minimums de prévoyance (par exemple, pour les notaires ou les experts-comptables).
Ces régimes présentent des niveaux de remboursement très variables. D’où l’intérêt de compléter la couverture par une mutuelle adaptée à sa profession, en tenant compte des risques spécifiques (arrêts de travail, invalidité, hospitalisation longue).
Pour les structures d’exercice libéral (SELARL, SELAS), les dirigeants suivent les règles de leur statut social : le président de SELAS est assimilé salarié, le gérant majoritaire de SELARL est TNS.
Peut-on inclure le dirigeant dans la mutuelle d’entreprise ?
Un gérant majoritaire, un entrepreneur individuel ou un TNS ne peut pas être intégré à la mutuelle collective obligatoire de ses salariés, car il n’a pas de contrat de travail.
Cependant, il peut souscrire une adhésion volontaire parallèle auprès du même organisme assureur, afin de bénéficier des mêmes garanties que ses salariés.
Cette solution présente un avantage de simplicité administrative et d’homogénéité des garanties, mais elle ne donne pas droit aux exonérations sociales prévues pour les salariés.
En revanche, pour les présidents de SAS ou gérants minoritaires, l’affiliation à la mutuelle collective est possible et souvent recommandée pour harmoniser le régime de protection sociale au sein de l’entreprise.
Les erreurs fréquentes dans la gestion des dirigeants
Les audits menés par Cobham Solutions révèlent plusieurs erreurs typiques dans la gestion des mutuelles des dirigeants :
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Affiliation d’un gérant majoritaire à la mutuelle collective, alors qu’il n’y est pas éligible, entraînant un risque de redressement URSSAF.
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Absence de mutuelle individuelle Madelin, avec perte de déduction fiscale.
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Présidents de SAS non rémunérés déclarés à tort à la mutuelle d’entreprise.
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Contrats non conformes au cahier des charges des contrats responsables, faisant perdre les exonérations sociales.
Dans un contexte où les contrôles URSSAF se multiplient sur les avantages en nature et les contrats collectifs, ces erreurs peuvent coûter plusieurs milliers d’euros en régularisations.
Bonnes pratiques pour les dirigeants
Pour éviter tout risque de non-conformité, il est recommandé de :
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Identifier précisément son statut social avant toute souscription.
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Vérifier que le contrat collectif respecte les obligations légales (panier de soins minimum, caractère obligatoire, financement à 50 %).
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Conserver les justificatifs de statut (extrait Kbis, procès-verbal de nomination, attestation SSI, etc.) pour justifier du régime applicable.
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Faire auditer sa protection sociale par un cabinet spécialisé, notamment en cas de passage d’un statut TNS à assimilé salarié (changement de forme juridique ou de répartition du capital).
Une bonne gestion du dossier mutuelle et prévoyance du dirigeant est aussi un atout lors d’un contrôle URSSAF, car elle démontre la conformité globale du régime de protection sociale de l’entreprise.
Ce qu’il faut retenir
La mutuelle d’entreprise est obligatoire pour les salariés, mais pas automatiquement pour les dirigeants.
Les présidents de SAS ou gérants minoritaires peuvent y adhérer, les gérants majoritaires et TNS doivent souscrire un contrat individuel.
Chaque statut appelle donc une stratégie de couverture différente — et une vigilance particulière sur les aspects fiscaux et URSSAF.
En clair, la protection santé des dirigeants n’est pas une formalité administrative, mais un levier de sécurité et de conformité.
Un audit de couverture santé et prévoyance permet souvent de détecter des erreurs coûteuses et d’optimiser la protection sociale du chef d’entreprise tout en sécurisant l’entreprise.