Cobham Solutions | Logiciel de conformité et performance en PAIE, DSN et RH

Épargne salariale : avec qui négocier et comment modifier un accord existant ?

Mettre en place ou modifier un dispositif d’épargne salariale suppose d’abord de savoir à qui parler. Or, pour une entreprise française, cette question apparemment simple devient un véritable casse-tête juridique. Délégués syndicaux, membres du comité social et économique (CSE), salariés mandatés ou simples collaborateurs : les interlocuteurs légitimes varient selon la taille de l’entreprise, sa structuration interne et la présence – ou non – de représentants du personnel.

Entre la rigidité du Code du travail et la volonté politique d’élargir le partage de la valeur à toutes les entreprises, le cadre légal reste d’une complexité remarquable. Savoir qui négocier, comment conclure, et comment réviser un accord d’intéressement, de participation ou de prime de partage de la valeur (PPV) est désormais une compétence stratégique. Une erreur de procédure peut suffire à rendre un dispositif inopposable, voire à annuler les exonérations sociales et fiscales qui en dépendent.

Les voies possibles de conclusion d’un accord d’épargne salariale

Le Code du travail prévoit plusieurs modes de conclusion selon la configuration de l’entreprise. Le principe est toujours le même : l’accord doit résulter d’une démarche collective formalisée, même dans les petites structures.

Dans les entreprises dotées d’un ou plusieurs délégués syndicaux, l’accord est signé avec eux, selon les règles classiques de la négociation collective. Il s’agit de la voie normale pour les structures d’au moins 50 salariés. En pratique, l’accord doit être signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives (OSR) ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés lors du premier tour des dernières élections professionnelles.

À défaut de délégués syndicaux, la négociation peut être conduite avec le CSE, dans les conditions prévues à l’article L.3312-5 du Code du travail. Dans ce cas, l’accord est valable si la majorité des membres titulaires du CSE l’approuve. Cette option est fréquente dans les PME où aucun syndicat n’est implanté.

Enfin, dans les entreprises sans représentant du personnel, la loi autorise la ratification directe par les salariés. Le projet d’accord est alors soumis à l’approbation des deux tiers du personnel, ce qui permet d’assurer une légitimité démocratique minimale sans imposer de structures représentatives formelles. Ce mode de ratification, souvent choisi dans les TPE, reste cependant très formalisé : il faut une consultation écrite, un procès-verbal et une conservation des résultats.

La décision unilatérale de l’employeur : une voie réservée aux petites structures

Pour les entreprises de moins de 50 salariés, la loi autorise la mise en place de dispositifs d’épargne salariale par décision unilatérale de l’employeur (DUE), lorsque la négociation collective ou la ratification du personnel est impossible. Ce mécanisme, prévu à l’article L.3312-5, permet de contourner l’absence de partenaires sociaux, mais à des conditions précises.

L’employeur doit d’abord informer et consulter le CSE, s’il existe, avant de formaliser sa décision. Le projet doit être communiqué aux salariés dans son intégralité, et le texte de la DUE doit être déposé sur TéléAccords comme un accord collectif.
Cette procédure, allégée en apparence, conserve donc un formalisme strict : consultation préalable, respect des délais, dépôt et publicité. Sans ces étapes, le dispositif ne peut bénéficier d’aucune exonération sociale.

La DUE s’applique aussi bien à la participation volontaire qu’à l’intéressement ou à la PPV. Elle constitue un outil pratique pour les petites entreprises, mais fragile juridiquement : toute omission dans la consultation ou le dépôt peut conduire l’URSSAF à requalifier les primes en salaires soumis à cotisations.

L’adhésion à un accord de branche : une simplification progressive

Depuis la réforme de la loi Pacte de 2019, les branches professionnelles ont été encouragées à conclure des accords types d’épargne salariale applicables directement dans les entreprises de leur secteur. Ces accords de branche, homologués par le ministère du travail, offrent un modèle clé en main pour les PME.

Une entreprise dépourvue de représentants du personnel peut ainsi adhérer à un accord de branche par simple décision unilatérale de l’employeur. Cette adhésion doit toutefois être formalisée par écrit, déposée sur TéléAccords et, en principe, accompagnée d’une information préalable du CSE.
Ce dispositif vise à élargir la diffusion de l’épargne salariale sans imposer aux petites structures le coût d’une négociation juridique complexe.

Cependant, en pratique, l’adhésion à un accord de branche ne dispense pas de la vigilance nécessaire sur le contenu. De nombreuses entreprises signent sans adapter les modalités aux réalités internes, créant des incohérences dans le calcul des primes ou la répartition des sommes.

La modification et la révision des accords : un terrain piégé

Modifier un accord d’épargne salariale suppose de reprendre la procédure initiale. Le principe est simple : on révise un accord selon les mêmes règles que celles ayant conduit à sa conclusion. En d’autres termes, un accord signé avec des délégués syndicaux ne peut être modifié qu’avec des syndicats représentatifs. Un accord ratifié par les deux tiers du personnel devra être à nouveau soumis au vote des salariés.

La révision doit être formalisée par avenant, précisant la nature des modifications apportées (formule de calcul, répartition, conditions d’ancienneté, durée, etc.), et déposée comme un nouvel accord sur TéléAccords.
Le non-respect de cette procédure fait courir un double risque : la nullité de l’avenant et la perte du régime social de faveur pour l’ensemble du dispositif.

La difficulté se corse lorsque les signataires initiaux n’existent plus. En cas de disparition des organisations syndicales signataires, la révision doit être opérée selon les voies de conclusion désormais possibles dans l’entreprise. Si l’entreprise n’a plus de délégué syndical, la révision peut être signée avec le CSE ou soumise au personnel.

Cette souplesse, introduite pour éviter les situations de blocage, crée aussi une incertitude : les autorités de contrôle exigent que la continuité de la volonté collective soit démontrée. L’absence de preuve claire peut conduire à un refus d’enregistrement.

Les particularités selon les dispositifs : intéressement, participation, PPV et plans d’épargne

Chaque dispositif d’épargne salariale obéit à des règles spécifiques quant à ses interlocuteurs.

Pour la participation, l’accord collectif est la règle générale. La participation volontaire dans une entreprise de moins de 50 salariés peut toutefois être instaurée par DUE. Pour l’intéressement, le choix est plus large : accord collectif, ratification, CSE ou DUE, avec une obligation de dépôt sous 15 jours après signature.
La prime de partage de la valeur (PPV) obéit à un régime plus simple : elle peut être mise en place par accord collectif ou décision unilatérale, mais nécessite une consultation préalable du CSE lorsqu’il existe.

Enfin, pour les plans d’épargne (PEE, PERECOL, PEROB), la loi impose une négociation collective ou, à défaut, la ratification par les deux tiers des salariés. Le recours à la DUE n’est possible que dans les entreprises dépourvues de représentants du personnel.

Chaque choix de partenaire a donc des conséquences directes sur la sécurité juridique du dispositif et sur l’éligibilité aux exonérations sociales.

Les accords de groupe et la coordination entre entités

Dans les groupes de sociétés, l’épargne salariale peut être mise en place au niveau du groupe ou d’une seule entreprise. L’accord de groupe, prévu à l’article L.3312-6 du Code du travail, permet d’harmoniser les dispositifs d’intéressement ou de participation au sein des filiales.

Cet accord est signé avec les organisations syndicales représentatives au niveau du groupe, ou, à défaut, avec les représentants élus dans plusieurs entités. L’intérêt est de mutualiser la gestion des plans et de simplifier la gouvernance sociale.

Cependant, les effets peuvent être pervers : la complexité des structures et les différences de conventions collectives entraînent souvent des difficultés de transposition. De plus, une filiale rachetée ou cédée reste liée à l’accord de groupe tant qu’elle n’en a pas conclu un nouveau, ce qui crée des situations transitoires parfois ingérables.

Simplification toujours promise mais jamais atteinte

La France prétend avoir simplifié l’épargne salariale. En réalité, elle a seulement multiplié les voies de conclusion possibles sans alléger le formalisme. Pour un dirigeant, savoir avec qui négocier un accord relève presque du parcours juridique initiatique : trop de seuils, trop de procédures, trop de dépôts.

L’intention – démocratiser le partage de la valeur – est louable. Mais sur le terrain, la complexité administrative décourage les petites structures et favorise celles qui disposent déjà d’un service RH aguerri.
Entre le CSE, les syndicats, les salariés et les accords de branche, la liberté de choix se transforme vite en piège procédural. Dans l’épargne salariale comme ailleurs, la France ne manque pas d’outils : elle manque de simplicité.

Un de nos experts vous recontactera dans la journée pour vous présenter nos solutions.

Une fois que vous aurez confirmé votre choix un mail vous sera envoyé avec une invitation à enregistrer dans votre agenda.