La gestion de la paie des intermittents du spectacle est un casse-tête que peu de chefs d’entreprise ou de cabinets comptables osent affronter sans filet. Entre la réglementation dérogatoire, les affiliations particulières à l’URSSAF du spectacle (ex-Guso inclus), les particularités de la DSN et les contrôles systématiques de l’administration, chaque erreur peut coûter cher.
Et l’État ne manque jamais une occasion de rappeler que dans ce secteur, c’est au déclarant de prouver sa bonne foi.
Un statut à part, un régime à part, des règles piégeuses
Le régime des intermittents du spectacle repose sur deux catégories : les artistes et les techniciens. Ils sont recrutés en CDD d’usage (CDDU), un contrat autorisé uniquement dans certains secteurs listés par décret, dont celui du spectacle vivant et de l’audiovisuel. Ces CDD peuvent être d’une durée très courte – parfois quelques heures – mais exigent pourtant une formalisation complète, sous peine de requalification en CDI.
Chaque mission déclenche des obligations précises : contrat écrit, déclaration préalable à l’embauche (DPAE), et surtout, rémunération au cachet ou à l’heure selon les cas. Or, c’est ici que les ennuis commencent.
Le piège des cachets : brut, net, conversion… l’usine à gaz administrative
Un cachet n’est pas une unité de temps mais une unité de rémunération. Il peut être :
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cachet isolé : pour une seule journée de travail,
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cachet groupé : pour plusieurs jours consécutifs.
Dans la pratique, un cachet est souvent payé au forfait, mais l’URSSAF exige de le convertir en heures pour le calcul des cotisations, avec des règles qui varient selon que le cachet est isolé (12 heures) ou groupé (8 heures par jour). Résultat : un même cachet peut donner lieu à un volume d’heures fictif supérieur au réel, ce qui impacte à la fois les droits Pôle emploi de l’intermittent, et les charges dues.
L’erreur classique ? Mal convertir ces heures, ou mélanger cachets et heures dans la même paie sans cohérence.
Une paie à part = un logiciel à part (ou un paramétrage sur mesure)
Tous les logiciels de paie ne savent pas gérer correctement les intermittents. Pire : certains outils qui prétendent le faire n’intègrent pas les modulations de cotisations spécifiques aux intermittents (assiette plafonnée, taux spécifiques, plafonds proratisés, cotisations AT/MP propres au spectacle…).
Résultat : si votre logiciel paie l’intermittent comme un salarié classique, les bordereaux URSSAF seront faux, la DSN rejetée, et vous risquez un redressement.
La solution ? Travailler avec un logiciel métier compatible DSN et Spectacle (ex. Spaiectacle, Orfeo, Movinmotion, etc.), ou faire appel à un expert paie capable de modéliser manuellement chaque variable.
URSSAF Spectacle : affiliation obligatoire, sanctions automatiques
Toute structure employant un intermittent doit être affiliée à l’URSSAF Limousin – Pôle national du spectacle. Sans cette affiliation, impossible de faire une DSN acceptée. L’ancienne plateforme GUSO ne concerne plus que les employeurs non professionnels.
L’URSSAF contrôle systématiquement ce type d’employeurs : paies incohérentes, taux erronés, heures mal déclarées, cachets fictifs… tout est traqué. Et contrairement à ce que croient certains cabinets, le risque n’est pas théorique : des redressements de plusieurs dizaines de milliers d’euros sont courants.
À noter : une déclaration DSN erronée d’un seul intermittent peut bloquer l’ensemble du fichier pour tous les salariés, y compris ceux hors spectacle.
La DSN : déclarer un intermittent, c’est déclarer un cas à part
Dans la DSN, les intermittents doivent être identifiés par le code type de contrat (CTP) spécifique : CDDU, activité relevant du régime spectacle. Il faut également renseigner :
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les heures rémunérées et les heures retenues (pour le calcul Pôle emploi),
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les majorations spécifiques,
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le bon code métier NAF/PCS,
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les dates de début et fin de mission,
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les absences (si mission annulée),
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le code AEM (Attestation Employeur Mensuelle) spécifique au spectacle.
Une simple erreur de code ou d’assiette bloque la déclaration, ou pire : transmet des données fausses à Pôle emploi, ce qui pénalise les droits de l’intermittent et vous expose à des recours juridiques.
Cotisations sociales : taux spécifiques, base plafond, AT/MP majoré
Les intermittents relèvent du régime général, mais avec des taux spécifiques :
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Pas de réduction Fillon,
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Pas d’exonération zone de revitalisation rurale,
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AT/MP à taux majoré selon les risques du secteur (souvent > 4%),
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Cotisation chômage due même pour des CDD très courts.
Certains oublient aussi la contribution spécifique formation professionnelle et le 1% logement, qui s’appliquent également, sauf cas très particuliers.
Enfin, en cas d’erreur sur le montant ou l’assiette, la régularisation doit se faire via une déclaration rectificative dans la DSN. Or, peu de services paie savent faire ces rectifications proprement.
Faut-il externaliser la paie des intermittents ?
Dans 90 % des cas : oui. Soit à un prestataire spécialisé (cabinet paie ou plateforme dédiée spectacle), soit à un cabinet comptable maîtrisant vraiment ce régime. Il est illusoire de traiter une paie intermittent « à la main » sur Excel ou dans un logiciel non adapté.
L’externalisation permet :
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une veille juridique continue (les règles changent tous les ans),
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des paramétrages cohérents,
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un accompagnement lors des contrôles,
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une sécurisation des DSN.
Attention cependant aux plateformes low-cost ou aux prestataires qui sous-traitent à l’étranger : la paie spectacle exige une connaissance fine du droit français et de ses subtilités techniques.
Gérer la paie des intermittents n’est pas une option, c’est un métier
Vouloir gérer les intermittents comme des salariés classiques est une erreur stratégique. Le régime est complexe, surveillé, et très procédurier. Une seule mauvaise DSN peut coûter plus cher qu’une année complète d’externalisation.
Si vous employez ne serait-ce qu’un seul intermittent du spectacle, prenez les devants : affiliez-vous à l’URSSAF Spectacle, vérifiez vos logiciels, formez votre service paie, ou mieux, confiez cette gestion à un cabinet expert du sujet.