Depuis 2016, toute entreprise du secteur privé est tenue de proposer une mutuelle santé collective obligatoire à ses salariés. Mais dans la pratique, certains employés ne veulent pas en entendre parler. Ont-ils le droit de la refuser ? La réponse est oui… mais uniquement dans des cas très encadrés. Et si l’entreprise s’écarte de ces règles, c’est elle qui portera le chapeau en cas de litige ou de redressement URSSAF.
Mutuelle d’entreprise obligatoire : que dit la loi ?
L’Accord national interprofessionnel (ANI) de 2013, transposé dans la loi du 14 juin 2013, impose à toutes les entreprises de mettre en place une couverture santé collective pour leurs salariés. Cette mutuelle doit être :
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collective, c’est-à-dire identique pour tous les salariés ou une catégorie objective,
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obligatoire, sauf exceptions légales précises,
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financée à 50 % minimum par l’employeur,
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conforme au panier de soins minimum ANI.
La mise en place peut se faire via :
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décision unilatérale de l’employeur (DUE),
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accord d’entreprise,
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accord de branche.
C’est cette base juridique qui conditionne la validité des éventuelles dispenses d’adhésion.
Peut-on refuser une mutuelle obligatoire ? Oui, mais pas n’importe comment
Contrairement à une idée répandue, un salarié ne peut pas refuser la mutuelle d’entreprise simplement parce qu’il n’en veut pas. Il doit entrer dans l’un des cas légalement prévus, et justifier sa situation. Ces cas de dispense sont strictement encadrés.
Les cas de dispense autorisés (et reconnus par l’URSSAF)
Un salarié peut refuser la mutuelle obligatoire dans les cas suivants :
1. Déjà couvert en tant qu’ayant droit
Le salarié est déjà couvert par la mutuelle obligatoire de son conjoint. Il peut demander une dispense à condition de le prouver (attestation annuelle).
2. CDD ou contrat de mission de moins de 3 mois
Le salarié peut être dispensé s’il en fait la demande expresse par écrit. Au-delà de 3 mois, la dispense est possible uniquement si le régime mis en place le prévoit expressément.
3. Temps très partiel ou apprentis
Si la cotisation représenterait plus de 10 % de sa rémunération brute, le salarié peut refuser la mutuelle. Cela concerne souvent les contrats courts ou les contrats d’alternance peu rémunérés.
4. Couverture individuelle au moment de l’embauche
Si le salarié avait déjà une mutuelle individuelle avant son embauche, il peut demander une dispense jusqu’à l’échéance de son contrat individuel. Cette dispense est temporaire et doit être formulée par écrit.
5. Salariés présents lors de la mise en place par décision unilatérale
Si la mutuelle a été instaurée par une DUE, les salariés déjà en poste à ce moment-là peuvent refuser d’y adhérer, mais uniquement à ce moment précis.
Chaque dispense doit être demandée par le salarié, justifiée par écrit, et acceptée par l’employeur. Sans cela, la couverture reste obligatoire.
Les erreurs fréquentes des entreprises (et leurs conséquences)
1. Accepter des dispenses hors des cas prévus
Certains employeurs laissent des salariés refuser la mutuelle sans entrer dans aucun des cas autorisés. Résultat : non-conformité du régime, et risque de redressement URSSAF.
2. Oublier de recueillir une demande écrite
Aucune dispense ne peut être implicite. Il faut une demande écrite du salarié, avec mention du motif, date, et signature. À conserver en cas de contrôle.
3. Ne pas mettre à jour les situations
Un salarié peut perdre son autre couverture ou changer de situation. Sans suivi, l’entreprise reste responsable. Il faut exiger des attestations annuelles.
4. Proposer des dispenses non prévues dans l’acte fondateur
Les cas de dispense autorisés doivent être prévus dans la DUE ou l’accord collectif. Sinon, même un salarié qui y aurait droit légalement ne pourra pas être dispensé en toute sécurité juridique.
Risques en cas de non-conformité
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Redressement URSSAF : si le régime collectif ne respecte pas les conditions prévues, les exonérations sociales sont annulées. L’entreprise doit alors payer des charges sur l’ensemble des cotisations patronales, avec intérêts de retard.
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Litige prud’homal : un salarié mal informé ou mal couvert peut contester son absence de protection. En cas de sinistre (hospitalisation, frais dentaires…), l’employeur peut être condamné à compenser.
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Responsabilité de l’employeur : l’absence de mutuelle, ou l’existence de dispenses irrégulières, engage directement la responsabilité de l’entreprise, notamment en cas de décès ou d’arrêt de travail.
Procédure à suivre pour refuser la mutuelle obligatoire
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Vérifier que le cas de dispense est prévu par la loi et par l’acte fondateur (DUE ou accord collectif).
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Demander au salarié une demande écrite, datée, signée, mentionnant le motif exact.
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Exiger les justificatifs (attestation de couverture, durée du contrat individuel, etc.).
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Conserver tous les documents dans le dossier RH ou dans un espace sécurisé numérique.
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Renouveler les justificatifs chaque année, notamment pour les ayants droit.
En cas de contrôle, l’entreprise devra démontrer que le salarié a été informé et que la dispense a bien été demandée et justifiée. En l’absence de preuve écrite, la charge revient à l’employeur.
Oui, on peut refuser une mutuelle obligatoire… mais jamais sans cadre
La mutuelle d’entreprise est un régime collectif à adhésion par défaut. Le refus n’est jamais automatique, jamais implicite, et jamais sans conditions. Chaque cas doit être documenté, encadré, et sécurisé juridiquement.
Pour éviter les mauvaises surprises :
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vérifiez les dispositions de votre DUE ou de votre accord collectif,
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formez votre service RH sur les cas de dispense,
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et gardez en tête que toute défaillance retombe sur l’employeur, pas sur le salarié.
En 2025, avec les contrôles URSSAF de plus en plus pointus et les redressements automatiques via la DSN, une mutuelle mal gérée est une bombe à retardement sociale et fiscale. –> Faites auditer vos pratiques RH !