En matière de médecine du travail, la visite d'information et de prévention – ou VIP – est loin d’être une simple formalité. Trop souvent négligée ou mal comprise, cette visite obligatoire constitue pourtant une étape centrale dans le suivi de la santé des salariés nouvellement embauchés. Son absence ou son non-respect des délais expose l’entreprise à des risques juridiques non négligeables. Voici tout ce qu’il faut savoir pour se mettre en conformité sans se faire piéger.
Qui est concerné par la visite d'information et de prévention ?
La VIP concerne tous les salariés embauchés par une entreprise de droit privé, qu’il s’agisse d’un CDI, d’un CDD, d’un contrat d’intérim, d’un contrat d’apprentissage ou même d’un contrat saisonnier. Elle s’applique également aux salariés employés par les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) et les établissements publics administratifs (EPA) dès lors qu’ils relèvent du droit privé. Les assistants maternels et les salariés du particulier employeur sont aussi concernés, mais selon des modalités spécifiques.
Certains salariés relèvent d’un suivi individuel renforcé (SIR) en raison des risques particuliers liés à leur poste. Pour ces profils, la VIP ne suffit pas : un examen médical d’aptitude s’impose avant toute prise de poste.
Quels sont les objectifs de la VIP ?
La visite d'information et de prévention ne se résume pas à une vérification de routine. Elle a plusieurs finalités bien définies :
- S’assurer que le salarié est apte à occuper son poste, du moins dans des conditions normales de travail ;
- Identifier d’éventuels besoins d’aménagement ou d’adaptation du poste ;
- Informer le salarié sur les risques professionnels spécifiques à son activité ;
- Le sensibiliser aux gestes de prévention à adopter ;
- Lui rappeler son droit à solliciter à tout moment une consultation auprès du médecin du travail.
Cette visite donne lieu à l’ouverture d’un dossier médical en santé au travail, qui est strictement confidentiel et ne peut en aucun cas être communiqué à l’employeur.
Dans quels délais doit avoir lieu la VIP ?
En principe, la VIP doit se tenir dans un délai de 3 mois suivant la prise de poste. Mais il existe des exceptions importantes :
- Pour les travailleurs de nuit, les mineurs de moins de 18 ans et les salariés exposés à des risques particuliers, la visite doit impérativement avoir lieu avant l’affectation effective au poste.
- Pour les apprentis, un délai spécifique s’applique : la VIP doit avoir lieu dans les deux mois qui suivent l’embauche.
Ces délais ne sont pas indicatifs : leur non-respect peut être requalifié en manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur.
Qui réalise la visite d'information et de prévention ?
Contrairement à une idée reçue, la VIP n’est pas forcément assurée par le médecin du travail. Elle peut être effectuée par un professionnel de santé du service de prévention et de santé au travail, tel qu’un infirmier, un interne en médecine du travail ou un collaborateur médecin, sous l’autorité du médecin du travail.
Toutefois, dans certains cas spécifiques, la VIP doit être assurée exclusivement par le médecin du travail :
- Si le salarié est reconnu travailleur handicapé ;
- S’il perçoit une pension d’invalidité ;
- Ou s’il travaille de nuit.
Quels documents sont remis à l'issue de la VIP ?
Le document remis au salarié dépend de la personne ayant réalisé la visite :
- Si la VIP est effectuée par un professionnel de santé (hors médecin), une simple attestation de suivi est délivrée à l’employeur et au salarié. En cas de doute, le professionnel peut orienter le salarié vers le médecin du travail.
- Si la VIP est effectuée par le médecin du travail, un avis d’aptitude ou d’inaptitude est établi. Cet avis a une valeur légale et peut être contesté selon les voies classiques prévues par le Code du travail.
Dans tous les cas, aucune information médicale ne peut être transmise à l’employeur. Le secret médical s’applique pleinement.
Visite médicale et temps de travail : qui paie quoi ?
La législation est claire : la visite d'information et de prévention est prise en charge intégralement par l’employeur.
- Si la visite se déroule pendant le temps de travail, la rémunération du salarié est maintenue.
- Si elle a lieu hors temps de travail, elle est rémunérée comme du temps de travail effectif.
- Les frais de déplacement nécessaires à la réalisation de la visite sont également à la charge de l’employeur, temps de trajet compris.
Exemple : un travailleur de nuit effectue sa VIP en journée. Il met 1h aller-retour pour s’y rendre, et la visite dure 45 minutes. L’employeur doit lui verser l’équivalent de 1h45 de salaire en plus de sa rémunération habituelle.
Peut-on être dispensé de la VIP à l’embauche ?
Oui, mais uniquement sous certaines conditions strictes. Le salarié peut être dispensé de la VIP si :
- Il a bénéficié d’une visite d’information au cours des 5 dernières années ;
- Cette visite était conforme aux exigences légales et réalisée pour un poste similaire ;
- Aucun risque particulier n’est identifié dans son nouvel emploi.
Une attention particulière doit être portée à la notion de poste équivalent : un changement d’environnement, d’équipements ou d’horaires (notamment en travail de nuit) peut justifier une nouvelle visite.
Quand faut-il renouveler la VIP ?
La VIP n’est pas un acte unique. Elle doit être renouvelée au maximum tous les 5 ans, sauf décision contraire du médecin du travail. Ce délai est réduit à 3 ans pour certains profils :
- Travailleurs handicapés ;
- Titulaires d’une pension d’invalidité ;
- Travailleurs de nuit.
L’employeur doit veiller au respect de cette périodicité sous peine de manquement à son obligation de sécurité.
Ce que risque l’employeur en cas de manquement
Ne pas organiser de VIP expose l’entreprise à plusieurs risques :
- Une sanction de l’inspection du travail lors d’un contrôle ;
- Une action prud’homale du salarié en cas d’accident ou d’inaptitude ;
- Une requalification du contrat en cas de litige.
La VIP fait partie intégrante de l’obligation de sécurité de résultat à laquelle l’employeur est tenu. Il ne s’agit pas d’une formalité, mais d’un élément central du socle juridique de la relation de travail.
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