De plus en plus d’employeurs recourent à la vidéosurveillance sur le lieu de travail.
Mais attention : installer des caméras n’est pas un blanc-seing pour espionner ses salariés. La loi encadre strictement les usages possibles de ces dispositifs. Un excès de zèle peut coûter cher à l’entreprise, financièrement comme juridiquement.
Les finalités autorisées de la vidéosurveillance au travail
Un employeur ne peut pas installer des caméras « au cas où » ou dans un vague objectif de contrôle. Chaque caméra doit répondre à une finalité clairement définie, légale et proportionnée. Les usages autorisés sont les suivants :
- sécurité des biens et des personnes,
- prévention des dégradations ou agressions,
- dissuasion des vols,
- identification d’auteurs d’actes malveillants.
Dans ces cas-là, il est acceptable de filmer les entrées et sorties de bâtiments, les zones de circulation, les accès aux issues de secours ou les endroits où des biens de valeur sont stockés.
Le respect de la vie privée des salariés détermine les zones où il est interdit de filmer
Les postes de travail ne peuvent pas être filmés de manière constante, sauf exception strictement justifiée (par exemple, manipulation d’espèces dans un commerce). Même dans ce cas, la caméra doit viser la caisse, pas l’employé.
Sont également interdites :
- les zones de pause, de repos et les sanitaires,
- les locaux syndicaux et ceux des représentants du personnel,
- les espaces exclusivement destinés au personnel sans justification particulière.
Filmer ces espaces constitue une atteinte manifeste à la vie privée des salariés, protégée notamment par l’article 9 du code civil et l’article L1121-1 du code du travail.
L’accès aux images doit être strictement contrôlé
L’accès aux images ne peut être ouvert qu’aux personnes expressément habilitées dans le cadre de leurs fonctions (souvent le responsable sécurité). L’accès doit être sécurisé par des moyens techniques robustes (mot de passe complexe, connexion chiffrée type https).
Le visionnage à distance depuis un smartphone ou une tablette est toléré, mais il ne peut en aucun cas être utilisé pour surveiller à distance les salariés et juger la qualité de leur travail. Cela reviendrait à une surveillance permanente illégale, comme l’a récemment sanctionné la CNIL dans une affaire où un gérant visualisait son employé en direct sur son téléphone. Résultat : mise en demeure puis sanction financière publique.
Durée de conservation des images : pas plus d’un mois, sauf exception
Les images enregistrées ne doivent être conservées que le temps strictement nécessaire à l’objectif poursuivi. En principe, quelques jours suffisent. En tout état de cause, la conservation ne peut dépasser un mois, sauf en cas de procédure disciplinaire ou pénale, auquel cas les images doivent être extraites et archivées séparément, en le consignant dans un registre spécifique.
La durée de conservation ne doit pas être dictée par la capacité de stockage du matériel, mais bien par une logique juridique et proportionnée.
L’information des salariés est obligatoire et encadrée
Les employés et visiteurs doivent être informés de manière visible et permanente de la présence de caméras, via un panneau comportant au minimum un pictogramme de caméra et la mention de la vidéoprotection.
En complément, l’affichage ou une information complémentaire (via un site internet, par exemple) doit détailler :
- les finalités du dispositif,
- la base légale du traitement,
- la durée de conservation,
- les coordonnées du délégué à la protection des données (DPO),
- les droits des personnes concernées,
- les destinataires des données,
- le droit de réclamation auprès de la CNIL.
Ces obligations découlent de l’article 13 du RGPD et de l’article 104 de la loi « Informatique et Libertés ».
Quelles formalités effectuer avant d’installer les caméras ?
Le régime varie selon que le lieu filmé est ouvert ou non au public :
- Lieux non ouverts au public (zones de stockage, locaux techniques, réserves…) : aucune déclaration préalable à la CNIL n’est nécessaire. Toutefois, l’installation doit figurer dans le registre des traitements de données de l’entreprise, et le DPO doit être consulté, notamment si une analyse d’impact (AIPD) est requise.
- Lieux ouverts au public (comptoirs, zones commerciales, caisses…) : une autorisation préfectorale est obligatoire. Le formulaire peut être retiré en préfecture ou rempli en ligne sur le portail du ministère de l’Intérieur. En cas de surveillance systématique à grande échelle, une AIPD est imposée.
Dans tous les cas, les représentants du personnel doivent impérativement être consultés avant la mise en place du dispositif, conformément à l’article L2312-38 du code du travail.
Quelles sanctions en cas d’abus ?
Un dispositif non conforme peut être signalé :
- au service des plaintes de la CNIL,
- à l’inspection du travail (notamment en cas de harcèlement moral lié à une surveillance abusive),
- au préfet (pour les lieux ouverts au public),
- aux services de police ou de gendarmerie,
- au procureur de la République.
Les entreprises fautives s’exposent à des sanctions lourdes : mises en demeure publiques, amendes administratives pouvant atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros, voire engagement de la responsabilité pénale de l’employeur en cas d’atteinte grave à la vie privée ou de collecte illicite d’informations.
Les textes à connaître
Voici les principales bases juridiques à maîtriser si vous installez un dispositif de vidéoprotection au travail :
- règlement général sur la protection des données (RGPD),
- loi « Informatique et Libertés »,
- code civil (article 9),
- code pénal (articles 226-1, 226-18, 226-20, 226-21, R625-10),
- code du travail (articles L1221-9, L1222-4, L1121-1, L2312-38),
- code de la sécurité intérieure (articles L223-1 à L251-1, pour les lieux ouverts au public).