5 novembre 2024
Quand un salarié est victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, la question de la responsabilité de l’employeur peut se poser avec acuité.
En cas de manquement grave à son obligation de sécurité, l’employeur peut être poursuivi pour faute inexcusable. Mais que recouvre exactement cette notion ? Quelles sont les conséquences d’une telle reconnaissance ? Quelle procédure peut être engagée ?.
Pendant longtemps, la jurisprudence exigeait des conditions strictes pour retenir la faute inexcusable : un acte ou une omission volontaire, la conscience du danger, l’absence de cause justificative et une gravité exceptionnelle. Autant dire que pour une victime, obtenir gain de cause relevait du parcours du combattant.
Ce cadre a été profondément assoupli en 2002, puis à nouveau en 2020. Aujourd’hui, il suffit de démontrer que l’employeur a manqué à son obligation légale de sécurité et de protection de la santé, une obligation de résultat découlant du contrat de travail. Autrement dit, l’employeur ne doit pas seulement « faire de son mieux » : il doit garantir concrètement la sécurité des salariés. S’il échoue, sa faute peut être reconnue comme inexcusable.
La charge de la preuve repose toujours sur le salarié, sauf dans certains cas particuliers (nous y reviendrons). Il lui appartient de démontrer que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait ses salariés, et qu’il n’a rien fait (ou pas assez) pour l’éviter.
Plusieurs éléments sont régulièrement retenus pour caractériser une faute inexcusable :
Dans tous les cas, il faut prouver que l’employeur a failli à son obligation de prévention. Être accompagné par un avocat spécialisé en droit de la sécurité sociale augmente considérablement les chances de succès.
Le code du travail allège la charge de la preuve pour certaines catégories de salariés. Quand un salarié en contrat à durée déterminée, en intérim ou en stage est affecté à un poste dangereux (présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité), l’entreprise est tenue de lui fournir une formation renforcée et un accueil adapté. Si cette obligation n’est pas respectée et qu’un accident survient, la faute inexcusable est présumée sans qu’il soit nécessaire de prouver la conscience du danger.
Autre cas où la preuve est facilitée : si le salarié ou un membre du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) avait signalé un risque à l’employeur avant l’accident, ce dernier ne pourra plus contester avoir été informé. La reconnaissance de la faute inexcusable devient alors quasi automatique.
L’employeur peut éviter la condamnation s’il prouve qu’il ignorait le danger et qu’il a pris toutes les mesures raisonnables pour protéger ses salariés : évaluation des risques, mise en place de mesures de prévention, formations, contrôles réguliers, etc. À noter : c’est à lui de rapporter la preuve de sa bonne foi et de sa vigilance.
La reconnaissance de la faute inexcusable a des conséquences majeures pour la victime, tant sur le plan financier que moral.
En cas d’incapacité permanente liée à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, la victime perçoit une rente calculée selon son taux d’incapacité et son salaire. Cette rente est automatiquement majorée si la faute inexcusable est reconnue. Et selon la jurisprudence, cette majoration doit être appliquée au maximum dès lors que l’accident est imputable à l’employeur.
C’est la caisse d’assurance maladie qui verse cette majoration, mais elle récupère ensuite le montant auprès de l’employeur via une cotisation complémentaire. Autrement dit, même s’il ne verse rien directement à son salarié, l’employeur en assume bien le coût.
Au-delà de la rente, la victime peut également demander une réparation complémentaire à l’employeur. Cela concerne :
Ces préjudices sont indemnisés selon les règles classiques du droit civil. L’employeur, en manquant à son obligation de sécurité, engage sa responsabilité et peut être condamné à verser des dommages-intérêts. C’est également le cas pour le préjudice d’anxiété, reconnu depuis 2010 pour les salariés exposés à l’amiante, mais étendu depuis à d’autres substances nocives.
Dans certaines situations, la faute de la victime peut également être qualifiée d’inexcusable. Elle ne supprime pas pour autant celle de l’employeur, mais peut réduire l’indemnisation. Il revient alors au juge d’apprécier la part de responsabilité de chacun.
La demande peut être faite par la victime elle-même, ou par ses ayants droit (par exemple en cas de décès). Elle concerne les accidents du travail, les maladies professionnelles ou les rechutes liées à ces événements.
Avant tout, la CPAM doit avoir reconnu le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie. Ensuite, deux voies sont possibles : la voie amiable ou le contentieux.
En premier lieu, une conciliation est tentée entre l’employeur et la victime, organisée par la caisse. En cas d’échec, l’affaire est portée devant le pôle social du tribunal judiciaire. C’est ce dernier qui décidera si la faute inexcusable est constituée.
L’action est enfermée dans un délai de prescription de 2 ans. Ce délai court :
Si une procédure est engagée pour faire reconnaître le caractère professionnel de l’événement, ce recours interrompt la prescription jusqu’à la décision définitive. Cela laisse le temps de se retourner contre l’employeur une fois cette reconnaissance acquise.
Oui, mais uniquement dans les 2 mois suivant la notification de prise en charge de l’accident ou de la maladie par la CPAM. Passé ce délai, la décision est irrévocable. Pour contester, l’employeur devra démontrer qu’il a respecté toutes ses obligations de prévention, conformément aux articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail.