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Liberté d’expression des salariés : jusqu’où peuvent-ils aller sans risquer leur emploi ?

La liberté d’expression est un droit fondamental. Elle figure parmi les piliers de notre ordre juridique, garantie à la fois par les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, et par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Dans le monde du travail, cette liberté n’est pas suspendue dès qu’un contrat est signé. Les salariés ont donc le droit de s’exprimer, y compris de critiquer leur entreprise. Mais attention : ce droit n’est pas absolu. Lorsqu’il entre en conflit avec les intérêts légitimes de l’employeur, il peut être restreint. Et parfois, ces restrictions prennent la forme d’un licenciement. Il est donc indispensable de comprendre précisément ce que recouvre cette liberté, et jusqu'où elle s'étend.

Liberté d’expression dans l’entreprise : un droit étendu, mais encadré

Le salarié peut s’exprimer librement, dans et hors du cadre professionnel

Le salarié bénéficie d’une large marge d’expression. Il peut librement formuler son opinion sur l’organisation, le fonctionnement de l’entreprise, ses conditions de travail, mais aussi sur des sujets politiques, religieux, philosophiques ou moraux. Ce droit s’exerce aussi bien sur le lieu de travail qu’en dehors, dans un cadre privé. Aucune sanction disciplinaire ne peut être infligée pour avoir exprimé une opinion personnelle, dès lors que les propos restent dans les limites fixées par la loi.

Même lorsqu’il est haut placé dans la hiérarchie et soumis à des fonctions sensibles, un salarié conserve le droit d’émettre des critiques, même vives, dès lors qu’elles restent dans le cadre professionnel restreint (Comité directeur, etc.).

De la même manière, un salarié peut signaler des faits graves mettant en péril la santé ou la sécurité des travailleurs. En vertu de l’article L.1132-3-3 du code du travail, introduit par la loi du 6 décembre 2013, un salarié qui rapporte ou témoigne d’un crime ou d’un délit ne peut être sanctionné sauf mauvaise foi — celle-ci ne peut être retenue que si le salarié savait que les faits étaient faux.

Autre aspect moins connu mais tout aussi protégé : la liberté de ne pas s’exprimer. Un employeur n’a aucun droit d’obliger un salarié à adopter une opinion ou à s’exprimer publiquement. L'obligation de prendre position publiquement constitue une atteinte directe à cette liberté.

A noter également que la liberté d’expression englobe la liberté artistique.

Expression sur les réseaux sociaux : une zone grise où l’audience détermine la nature privée ou publique

L’apparition des réseaux sociaux a bouleversé les frontières entre sphère professionnelle et privée. On pourrait croire que les propos tenus sur Facebook ou Instagram échappent à toute régulation au nom du respect de la vie privée. Mais la jurisprudence considère que tout dépend du degré de publicité de la publication.

Ce qui compte, c’est l’audience : plus elle est large, plus les propos sont considérés comme publics. Peu importe que le salarié ait activé des paramètres de confidentialité. Si les propos peuvent être consultés par des centaines de personnes, ils ne sont plus protégés.

Par exemple :

  • Des propos tenus dans un groupe Facebook accessible aux « amis et leurs amis » ont justifié un licenciement pour dénigrement d’un supérieur
  • Une publication sur un compte avec plus de 179 amis sort de la sphère privée
  • Même 52 amis sur Facebook, s’ils permettent l’accès indirect à d’autres, font tomber les propos dans le champ public

La seule protection reste le cercle restreint et contrôlé. Ainsi, un message publié dans un groupe fermé de 14 personnes agréées n’est pas considéré comme public. Dans ce cas, les propos injurieux ne sont pas constitutifs d’une faute grave.

Même un simple bouton « J’aime » est protégé par la liberté d’expression. La Cour européenne des droits de l’homme (arrêt du 15 juin 2021, n°35786/19) considère que liker un contenu est un mode d’expression en ligne qui ne peut justifier une sanction.

Des restrictions possibles mais strictement encadrées

Obligation de loyauté et pouvoir disciplinaire de l’employeur

La liberté d’expression du salarié ne doit pas heurter ses obligations contractuelles. L’article L.1222-1 du Code du travail impose une exécution de bonne foi du contrat. Cela inclut une obligation de loyauté envers l’employeur. Elle interdit tout comportement contraire à l’intérêt de l’entreprise : divulgation d’informations sensibles, concurrence déloyale, dénigrement, etc.

L’employeur peut aussi insérer une clause de confidentialité dans le contrat, ou poser des limites via le règlement intérieur. Il peut restreindre la liberté d’expression, mais uniquement si ces restrictions sont :

  • justifiées par la nature des tâches accomplies,
  • proportionnées à l’objectif poursuivi (article L.1121-1 du Code du travail).

L’abus de liberté d’expression : quand le licenciement devient légitime

C’est le seul cas où l’on peut légalement limiter cette liberté : en cas d’abus. Selon une jurisprudence constante, l’abus est caractérisé par des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.

Ainsi, des accusations mensongères visant à nuire à la réputation de l’entreprise, ou des insultes adressées à un supérieur hiérarchique, sont sanctionnables. Le licenciement pour faute grave est alors justifié.

En revanche, un salarié qui envoie des courriers à son employeur pour contester un avertissement, sans excès ni propos insultants, ne commet pas d’abus.

3 critères sont systématiquement analysés pour évaluer un éventuel abus :

  • la teneur des propos,
  • le contexte dans lequel ils ont été tenus,
  • et la publicité qui leur a été donnée.

Ce qu’il faut retenir

Un salarié reste un citoyen, y compris lorsqu’il est au travail. Il peut s’exprimer librement tant que ses propos ne portent pas atteinte à l’entreprise ou à ses collaborateurs. L’employeur ne peut restreindre cette liberté qu’en respectant le double principe de nécessité et de proportionnalité. Quant au salarié, il doit veiller à ne pas franchir la ligne rouge de l’abus. Car si la liberté d’expression est précieuse, elle n’est pas un permis d’insulter, de diffamer ou de nuire

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